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CJUE : liberté de la presse et abus de marché

La divulgation par un journaliste d’une information privilégiée portant sur la publication prochaine d’un article relayant des rumeurs concernant des sociétés cotées en Bourse est-elle licite ?Deux articles publiés sur le site internet du journal britannique "Daily Mail" ont relayé des rumeurs de dépôt d’offres publiques d’achat (OPA) sur les titres de Hermès, par LVMH, et de Maurel & Prom.

Les prix indiqués dépassaient largement les cours de ces titres sur Euronext. Cette publication a fait augmenter considérablement les cours de ces titres. Peu avant la publication des articles, des résidents britanniques ont passé des ordres d’achat sur les titres concernés et les ont revendus après publication. Par sa décision n° 11 du 24 octobre 2018, l’Autorité des marchés financiers française (AMF) a infligé au journaliste une sanction pécuniaire de 40.000 € pour avoir fait part de la publication prochaine de ses articles à ces résidents britanniques, leur ayant ainsi communiqué des "informations privilégiées". Saisie d’un recours en annulation de cette décision, la cour d’appel de Paris a interrogé le 9 juillet 2020 (n° 18/28497) la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à titre préjudiciel sur l’interprétation des dispositions du droit de l’Union sur les opérations d’initiés. Dans son arrêt rendu le 15 mars 2022 (affaire C-302/20), la CJUE indique que si la communication d’informations privilégiées à des fins journalistiques peut être justifiée, en vertu du droit de l’Union, au titre de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, la divulgation d’une information privilégiée par un journaliste n’est licite que lorsqu’elle est considérée comme nécessaire à l’exercice de sa profession et comme respectant le principe de proportionnalité. Doivent ainsi être examinées par la juridiction nationale les questions suivantes : - est-ce qu’il était nécessaire pour le journaliste qui cherche à vérifier la véracité d’une rumeur de marché de divulguer à un tiers, outre la teneur de cette rumeur, le fait qu’un article relayant cette rumeur serait publié prochainement ?- est-ce qu’une éventuelle restriction à la liberté de la presse que l’interdiction d’une telle divulgation engendrerait serait excessive, compte tenu de son effet potentiellement dissuasif pour l’exercice de l’activité journalistique ainsi que des règles et des codes auxquels les journalistes sont soumis par rapport au préjudice qu’une telle divulgation risque de porter non seulement aux intérêts privés de certains investisseurs mais aussi à l’intégrité des marchés financiers ?