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CJUE : liberté de la presse et clause de l'ordre public

L’exécution d’un jugement condamnant un journal et l’un de ses journalistes au paiement de dommages-intérêts pour atteinte à la réputation d’un club sportif doit être refusée lorsqu’elle entraîne, dans l’Etat membre requis, une violation manifeste de la liberté de la presse.Il y a presque 10 ans, le journal Le Monde et l'un de ses journalistes ont été condamnés en Espagne pour la publication, en 2006, d’un article faisant état de liens entre le club de foot du Real Madrid et l’instigateur d’un réseau de dopage dans le milieu du cyclisme.

En 2020, la cour d’appel de Paris, recourant à la clause de l’ordre public, a rejeté la demande du Real Madrid d'exécution des décisions espagnoles en France. Saisie de l’affaire, la Cour de cassation a demandé le 28 septembre 2022 (pourvoi n° 21-13.519) à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) si une violation de la liberté de la presse pouvait justifier le recours à la clause de l’ordre public. Dans son arrêt rendu le 4 octobre 2024 (affaire C-633/22), la CJUE juge que l’exécution d’un jugement condamnant un journal et l’un de ses journalistes pour atteinte à la réputation d’un club sportif doit être refusée pour autant qu’elle aurait pour effet une violation manifeste de la liberté de la presse, telle que garantie par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon la Cour, une telle violation manifeste de la liberté de la presse relève en effet de l’ordre public de l’Etat membre requis et constitue un motif exceptionnel de refus d’exécution.La CJUE précise que, si les personnes lésées par des propos diffamatoires ou par d’autres types de contenu illicite doivent disposer de la possibilité d’engager une action en responsabilité de nature à constituer un recours effectif contre les atteintes à leur réputation, toute décision accordant des dommages-intérêts pour une atteinte causée à la réputation doit présenter un rapport raisonnable de proportionnalité entre la somme allouée et l’atteinte en cause. Elle rapelle enfin qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) que l’ampleur imprévisible ou élevée d’un montant de dommages-intérêts par rapport aux sommes allouées dans des affaires de diffamation comparables, ou encore l’octroi d’une réparation excédant le dommage matériel et moral réellement subi, sont de nature à avoir un effet dissuasif sur l’exercice de la liberté de la presse. SUR LE MEME SUJET : CJUE : refuser l’exequatur au nom de la liberté de la presse ? - Legalnews, 9 février 2024