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Protection de la vie privée des gardés à vue

L'enregistrement de la parole ou de l'image d'une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l'intimité de sa vie privée.

L’enregistrement de la parole ou de l’image d’une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l’intimité de sa vie privée. Mais une personne faisant l’objet d’une garde à vue n’est pas en mesure de s’opposer à cet enregistrement.Des époux ont porté plainte auprès du procureur de la République des chefs de violation du secret professionnel et du secret de l’instruction après la diffusion à la télévision d’un reportage intitulé « Prostitution : les nouvelles esclaves du trottoir, les nouveaux visages de la prostitution », qui retraçait les investigations menées sur les réseaux de prostitution asiatique dans le sud de Paris et notamment la surveillance de l’hôtel, géré par les intéressés, où les prostituées effectuaient leurs prestations.Si les auteurs du reportage avaient pris soin d’anonymiser les lieux et les personnes, le reportage n’en présentait pas moins, notamment, la garde à vue de la requérante, intervenue à la suite de son interpellation pour des faits de proxénétisme aggravé, laquelle a déclaré avoir été reconnue par des tiers, notamment par sa voix, à la suite de la diffusion du film.
La plainte des requérants ayant été classée sans suite, ceux-ci ont porté plainte et se sont constitués partie civile auprès du juge d’instruction des chefs précités, leur avocat faisant en outre valoir qu’il avait été porté atteinte à l’intimité de la vie privée de la requérante.
Le juge d’instruction ayant rendu une ordonnance de non-lieu, les parties civiles ont interjeté appel de cette décision.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance et écarté l’argumentation de la requérante qui soutenait que le délit incriminé à l’article 226-1 du code pénal était constitué. Pour ce faire, les juges du fond ont retenu que les images et paroles d’une personne interpellée par les services de police puis interrogée au cours de sa garde à vue ne relevaient pas de l’intimité de la vie privée au sens de ce texte, et qu’au surplus aucun élément du dossier n’indiquait que les conditions de la garde à vue de la requérante, qui avait nécessairement vu la caméra, lui ôtaient la possibilité de faire valoir son opposition à l’enregistrement.
La Cour de cassation invalide ce raisonnement en précisant que, d’une part, l’enregistrement de la parole ou de l’image d’une personne placée en garde à vue est susceptible de constituer une atteinte à l’intimité de sa vie privée, d’autre part, une personne faisant l’objet d’une garde à vue n’est pas en mesure de s’opposer à cet enregistrement.
Dans son arrêt rendu le 21 avril 2020 (pourvoi n° 19-81.507), la Haute juridiction judiciaire rappelle en effet que l’article 226-1 du code pénal incrimine le fait, au moyen d’un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, en enregistrant des paroles prononcées à titre confidentiel sans le consentement de leur auteur, ou en fixant sans son consentement l’image d’une personne se trouvant en un lieu privé. Lorsque l’acte est accompli au vu et au su de la personne intéressée, son consentement est présumé si elle ne s’y est pas opposée, alors qu’elle était en mesure de le faire.