SREN : le délit d'outrage en ligne censuré
Saisi du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, le Conseil constitutionnel censure comme portant à l’exercice de la liberté d’expression une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée, les dispositions visant à réprimer le délit d’outrage en ligne et à prévoir l’application à ce délit de la procédure de l’amende forfaitaire.Article mis à jour le 21 mai 2024.
Un projet de loi (n° 593) visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) pour restaurer la confiance nécessaire au succès de la transition numérique a été présenté au Conseil des ministres du 10 mai 2023. Il a été déposé au Sénat le même jour. L’objectif de ce projet de loi est de sécuriser et réguler les espaces numériques et parer à la concurrence parfois déloyale des grands acteurs. Ce texte contient une vingtaine de propositions qui visent notamment à :- permettre la mise en oeuvre d’un filtre de cybersécurité anti-arnaque visant à protéger les Français contre les tentatives d’accès frauduleux à leurs coordonnées personnelles ou bancaires à des fins malveillantes qui se sont multipliées ces dernières années ;- permettre un renforcement des sanctions des personnes condamnées pour cyberharcèlement, phénomène qui se propage sur les réseaux sociaux ;- renforcer le dispositif visant à faire respecter les limites d’âge en ligne pour l’accès aux sites pornographiques et ainsi mieux protéger nos enfants ;- sanctionner les sites en cas de non-retrait de contenus pédopornographiques en ligne ;- restaurer l’équité commerciale sur le marché du cloud, aujourd’hui concentré dans les mains d’une poignée d’acteurs ;- apporter des protections nouvelles contre la désinformation et les ingérences étrangères provoquées par la diffusion de médias frappés par des sanctions internationales ;- adapter le droit national pour que puissent s’appliquer le règlement n° 2022/2065 du 19 octobre 2022 sur les services numériques (DSA) et le règlement n° 2022/1925 du 14 septembre 2022 sur les marchés numériques (DMA). Le 10 mai 2023, le Conseil d'Etat a publié son avis sur ce projet de loi, délibéré et adopté le 27 avril 2023. Parcours législatif Le projet de loi a été adopté par les sénateurs le 6 juilet 2023 (T.A. n° 156) puis par les députés le 17 octobre 2023 (T.A. n° 175), par 360 voix pour et 77 contre. Après passage en Commission mixte paritaire (CMP), le texte a été adopté par les sénateurs le 2 avril 2024 (T.A. n° 103).L'accord trouvé entre députés et sénateurs permet de consolider les droits des femmes et la protection des mineurs afin qu’internet ne soit plus une "zone de non-droit".À cette fin, le texte de compromis a notamment :- imposé aux plateformes proposant des vidéos pornographiques, sous le contrôle de l’Arcom et selon des procédures respectant le droit européen, de mettre en place des systèmes de vérification d’âge pour empêcher l’accès des mineurs ;- institué les premières bases d’un "droit à l’oubli" permettant aux personnes ayant tourné dans des vidéos pornographiques d’obtenir leur retrait en cas de diffusion sur internet en violation des conditions contractuelles ;- créé un nouveau délit d'outrage en ligne permettant le prononcé d'une amende forfaitaire délictuelle pour tous ceux qui, aujourd’hui impunis, développent en ligne des comportements discriminatoires, injurieux ou harcelants.A leur tour, les députés ont adopté le projet de loi le 10 avril 2024 (T.A. n° 286). Dans sa décision n° 2024-866 DC du 17 mai 2024, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 19 qui visait à réprimer le délit d’outrage en ligne et à prévoir l’application à ce délit de la procédure de l’amende forfaitaire, en punissant d’un an d’emprisonnement et de 3.750 € d’amende le fait de diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.