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QPC : notification du droit au silence devant le juge d'instruction en répression des délits de presse

Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution les dispositions législatives relatives à la répression des délits de presse qui ne prévoient pas l’information de la personne mise en cause du droit qu’elle a de se taire lorsqu’elle présente des observations ou des réponses écrites au juge d’instruction.Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

L’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit les règles dérogatoires applicables à l’instruction des délits de diffamation ou d’injure. Il résulte de son deuxième alinéa que, lorsque le juge d’instruction a l’intention de mettre en examen une personne pour l’un de ces délits, il l’en informe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique.Selon les dispositions contestées, le juge d’instruction avise également cette personne de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d’un mois et peut, par le même avis, l’interroger afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions écrites. Le requérant reproche à ces dispositions de ne pas prévoir que la personne dont la mise en examen est envisagée est informée de son droit de se taire lorsque le procureur l’avise qu’elle peut produire des observations ou qu’il l’invite à répondre à des questions écrites. Le Conseil constitutionnel rappelle que, d’une part, lorsqu’il est saisi en matière de diffamation ou d’injure publiques, le juge d’instruction doit notamment établir l’imputabilité des propos à la personne pouvant être poursuivie et, si nécessaire, instruire sur leur tenue effective, sur leur caractère public ainsi que sur l’identité et l’adresse de cette personne. Pour procéder à sa mise en examen, il lui revient de s’assurer qu’il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi. Ainsi, l’office confié au juge d’instruction peut le conduire à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charges contre la personne dont il envisage la mise en examen. D’autre part, lorsqu’elle est invitée à faire connaître ses observations ou à répondre à des questions, la personne dont la mise en examen est envisagée peut être amenée à reconnaître les faits qui lui sont reprochés. En outre, le fait même que le juge d’instruction l’invite à présenter des observations et, le cas échéant, à répondre à ses questions, peut être de nature à lui laisser croire qu’elle ne dispose pas du droit de se taire. Or, les observations ou les réponses de la personne dont la mise en examen est envisagée sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement. Dès lors, en ne prévoyant pas que cette personne doit être informée de son droit de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2024-1089 QPC du 17 mai 2024, que ces dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution. Il y a lieu de reporter au 1er juin 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions car l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver le juge d’instruction de la faculté de poser des questions écrites aux personnes dont la mise en examen est envisagée et ces dernières de la possibilité de lui faire connaître leurs observations et réponses. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives.Les mesures prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. En revanche, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de cette décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le juge d’instruction, lorsqu’il informe la personne de son intention de la mettre en examen en application de l’article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, doit lui notifier son droit de se taire. SUR LE MEME SUJET : Transmission de QPC : notification du droit au silence devant le juge d’instruction en répression des délits de presse - Legalnews, 26 février 2024