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L'Enfer de la prescription

A supposer que la prescription interdise la prise en compte de manquements de l'éditeur de cinéma à ses obligations, l'auteur d'une oeuvre musicale demeure recevable à demander la résolution du contrat d'édition pour des manquements intervenus au cours de la période non couverte par la prescription.Une société d'édition et de production de films a confié à un compositeur l'écriture et l'enregistrement de la bande sonore d'un documentaire consacré au film inachevé d'Henri-Georges Clouzot, "L'Enfer".

Les parties ont conclu un contrat de commande et un contrat de cession et d'édition d'oeuvre musicale.Quelques années plus tard, à la suite de la transmission par le compositeur d'une proposition d'achat de droits d'exploitation d'un extrait de cette oeuvre musicale émanant d'une agence de publicité new-yorkaise en vue d'illustrer des films publicitaires, la société a accordé à cette agence une licence d'exploitation.Estimant, d'une part, que cette utilisation de son oeuvre constituait une altération de celle-ci et avait donné lieu à une rémunération insuffisante, d'autre part, que la société n'avait pas satisfait à son obligation d'exploitation et de lui rendre des comptes, le compositeur a assigné celle-ci en résiliation des contrats de commande et de cession et d'édition et paiement d'indemnités. La cour d'appel de Paris a déclaré ces demandes irrecevables comme prescrites.Elle a retenu que l'auteur n'avait formé aucune récrimination à l'encontre de la société au sujet des modalités d'exploitation de son oeuvre ni engagé à son encontre aucune action avant l'assignation introductive formée 8 ans après qu'il a eu connaissance des manquements allégués de cette société. De même, il n'avait émis aucun grief au titre du défaut de reddition de comptes avant l'assignation, alors que l'article 6 du contrat de commande précisait qu'il pouvait demander une fois par an la communication de tous justificatifs. Dans un arrêt du 5 juin 2024 (pourvoi n° 22-24.462), la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne ps avoir recherché si les manquements imputés à la société ne s'étaient pas poursuivis pendant la période non prescrite.Elle précise en effet que dès lors que l'éditeur est tenu, selon l'article L. 132-12 du code de la propriété intellectuelle (CPI), d'assurer à l'oeuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu'une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession et, selon l'article L. 132-13 du CPI, de rendre compte au moins une fois par an, des manquements prolongés de l'éditeur à ses obligations au cours des cinq années précédant l'assignation peuvent justifier une résolution de contrat conclu avec l'auteur.