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IGP : précisions du TUE sur la marge d'appréciation de la Commission

Dans le cadre de demandes d’enregistrement de dénominations en tant qu’IGP, la Commission européenne n’est pas liée par l’appréciation préalable des autorités nationales. Elle dispose d’une marge d’appréciation autonome pour vérifier que les conditions d’éligibilité à l’enregistrement prévues par le droit de l’Union sont remplies.Le Consortium des charcutiers corses a demandé l'enregistrement en tant qu’indications géographiques protégées (IGP) des dénominations "Jambon sec de l’Ile de Beauté", "Lonzo de l’Ile de Beauté" et "Coppa de l’Ile de Beauté".

Le syndicat détenteur des cahiers des charges des AOP "Jambon sec de Corse - Prisuttu", "Lonzo de Corse - Lonzu" et "Coppa de Corse - Coppa di Corsica" a demandé l’annulation de cette procédure au motif que le terme "Ile de Beauté" imitait ou évoquait le terme "Corse" et introduisait donc une confusion avec les dénominations déjà enregistrées en tant qu’AOP. Par trois arrêts rendus respectivement le 19 décembre 2019 (requête n° 421818) et le 13 février 2020 (requêtes n° 421820 et 421821), le Conseil d’Etat a rejeté cette demande, au motif, notamment, que l’emploi de termes différents et la différence des protections conférées par une AOP, d’une part, et par une IGP, d’autre part, étaient de nature à écarter ce risque de confusion. Par une décision d’exécution 2021/1879 du 26 octobre 2021, la Commission européenne a toutefois refusé l’enregistrement de ces dénominations, considérant notamment qu’il était de notoriété publique que la dénomination "Ile de Beauté" constitue une périphrase coutumière désignant, univoquement, la Corse aux yeux du consommateur français. De ce fait, les dénominations proposées ne respecteraient pas les conditions d’éligibilité à l’enregistrement, à savoir l’article 7, § 1, sous a), du règlement n° 1151/2012 du 21 novembre 2012. Dans un arrêt du 12 juillet 2023 (affaire T-34/22), le Tribunal de l'Union européenne (TUE) rejette le moyen selon lequel la Commission aurait outrepassé ses compétences et aurait violé l’autorité de la chose jugée. Le TUE retient notamment que :- l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1151/2012, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 1, sous b), du même règlement, peut constituer un fondement légal valable pour refuser d’enregistrer une dénomination ;- s'agissant de l’étendue de l’examen de la conformité de dénominations aux conditions énoncées dans le règlement n° 1151/2012, la Commission doit procéder à un examen approfondi, par des moyens appropriés, des demandes, afin de s’assurer qu’elles ne comportent pas d’erreurs manifestes et qu’elles ont tenu compte du droit de l’Union et des intérêts des parties prenantes en dehors de l’Etat membre de demande ;- si la Commission ne dispose que d’une marge d’appréciation "limitée, voire inexistante" lors de la première étape de la procédure d’enregistrement d’une dénomination, à savoir celle au cours de laquelle sont réunies les pièces constitutives du dossier de la demande d’enregistrement, elle dispose d’une marge d’appréciation autonome lors de la seconde étape de cette procédure, à savoir son propre examen des demandes d’enregistrement d'une dénomination en tant qu’AOP ou IGP. Quant à une prétendue violation de l’autorité de la chose jugée, le TUE indique qu’une décision nationale passée en force de chose jugée établissant qu’il n’y avait pas de risque d’évocation entre les AOP enregistrées et les IGP demandées, ne saurait être invoquée en vue de remettre en cause l’appréciation autonome de la Commission de ces conditions d’éligibilité.