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Décrocher, c'est voler ?

La Cour de cassation valide la condamnation des "décrocheurs" de portraits d’Emmanuel Macron en mairie de Strasbourg à une amende de 400 € avec sursis pour vol en réunion, jugeant proportionnée l'ingérence dans l'exercice de leur liberté d'expression.Le 29 juillet 2019, une dizaine de personnes se sont rendues à la mairie de Strasbourg où elles se sont emparé du portrait du Président de la République pour afficher à sa place un tract.

Elles se sont ensuite regroupées devant la mairie, le temps de poser pour une photographie, avant de repartir en emportant le portrait. Le tract était rédigé au nom de l'organisation Action non-violente COP21 et expliquait que l'acte consistait à "réquisitionner temporairement" le portrait de M. Macron, Président de la République, jusqu'à ce que soit amorcée par le gouvernement une politique en accord avec les engagements pris lors de la 21ème conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). La cour d'appel de Colmar a écarté l'argumentation des prévenus qui faisaient valoir que l'incrimination de vol en réunion constituait en l'espèce une ingérence disproportionnée dans l'exercice de leur liberté d'expression. Les juges du fond ont retenu que les prévenus avaient voulu, avec d'autres, dans un dessein politique, appeler l'attention des pouvoirs publics sur la méconnaissance, par la France, des engagements qu'elle a souscrits dans le cadre de la COP21. Ils ont énoncé que l'objet du vol était le portrait du Président de la République, exposé dans les locaux d'une mairie, peu important sa valeur marchande. Les juges ont ajouté que les prévenus avaient refusé de restituer le portrait volé tant que la politique du gouvernement n'aurait pas changé, alors même que le maire de la commune avait fait en ce sens une démarche amiable. Ils ont remarqué que la restitution du portrait aurait évité, si ce n'est les poursuites, du moins une perquisition du domicile d'un des prévenus. Pour motiver la peine prononcée, ils ont souligné que les prévenus n'avaient pas des profils de délinquants et que le vol qu'ils avaient commis, d'un bien d'une valeur d'environ 35 €, s'expliquait seulement par leur engagement sincère en faveur de la protection de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique, ce dont il résulte qu'une amende de 400 € avec sursis constituait selon eux une sanction adaptée et proportionnée. La Cour de cassation valide cette analyse dans un arrêt du 18 mai 2022 (pourvoi n° 21-86.685).Elle considère que, bien que l'action menée par les prévenus se soit inscrite dans le cadre d'une démarche militante et puisse être considérée comme une expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, la condamnation prononcée n'est pas disproportionnée au regard de la valeur symbolique du portrait du Président de la République et du refus de le restituer tant que leurs revendications ne seraient pas satisfaites, ainsi que de la circonstance que le vol a été commis en réunion. Les "décrocheurs" ont annoncé leur intention de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). SUR LE MEME SUJET : Décrocher un portrait présidentiel relève-t-il de la liberté d’expression ? - Legalnews, 24 septembre 2021 Exhibition sexuelle au musée Grévin : est-ce l’intention qui compte ? - Legalnews, 27 février 2020 Incrimination d’une journaliste pour infiltration au sein d’un parti politique : ingérence excessive dans sa liberté d’expression - Legalnews, 7 novembre 2016