Conservation des adresses IP : la CJUE en voie d'affiner sa jurisprudence
L'avocat général près la CJUE est d'avis que la conservation et l’accès à des données d’identité civile couplées à l’adresse IP utilisée devraient être permis lorsque ces données constituent le seul moyen d’investigation permettant l’identification d’auteurs d’infractions exclusivement constituées sur internet.Quatre associations de protection des droits et libertés sur internet ont contesté l'adoption du décret n° 2010-236 du 5 mars 2010 permettant à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) de s’adresser aux opérateurs de communications électroniques afin que ceux-ci lui fournissent les données d’identité civile de l’utilisateur auquel l’adresse IP utilisée pour commettre une atteinte au droit d'auteur est attribuée.
Le 21 avril 2021 (requêtes n° 393099, 394922, 397844, 397851, 424717 et 424718), le Conseil d'Etat a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à propos de la compatibilité avec le droit de l'Union du recueil et du traitement de ces données sans contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative. Les conclusions présentées le 28 septembre 2023 par le Premier avocat général Maciej Szpunar (affaire C-470/21) s’inscrivent dans le cadre de la réouverture de la procédure dans cette affaire : à la demande de la grande chambre, la CJUE a décidé de renvoyer l’affaire à l’assemblée plénière.L’avocat général est d’avis que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les fournisseurs de services de communications électroniques soient tenus de conserver des adresses IP et les données d’identité correspondant et à ce qu’une autorité administrative chargée de la protection des droits d’auteur contre des atteintes à ces droits commises sur internet y ait accès. En effet, ces données ne permettent pas de tirer des conclusions précises sur la vie privée de la personne présumée avoir violé le droit d’auteur et constituent le seul moyen d’investigation permettant l’identification de la personne à laquelle cette adresse était attribuée au moment de la commission de l’infraction. Pour l'avocat général, il s’agit non pas d’un revirement de la jurisprudence existante, mais d’un développement pragmatique de celle-ci, permettant de dégager une solution nuancée dans des circonstances particulières et très étroitement circonscrites. SUR LE MEME SUJET : Conservation des adresses IP : vers une évolution de la jurisprudence de la CJUE ? - Legalnews, 28 octobre 2022 Données de connexion : le Conseil d'Etat s'est prononcé - Legalnews, 22 avril 2021 CJUE : conservation de données par les fournisseurs de services de communications électroniques - Legalnews, 11 janvier 2017 Le Conseil d'Etat se prononce sur trois recours contre trois décrets "Hadopi" - Legalnews, 20 octobre 2011