CJUE : RGPD et orientation sexuelle
Pour l'avocat général près la CJUE, l’expression publique de son orientation sexuelle par l’utilisateur d’un réseau social rend cette donnée "manifestement publique" au sens du RGPD, sans pour autant autoriser son traitement à des fins de publicité personnalisée.Un utilisateur de Facebook, qui avait accepté les conditions d'utilisation du réseau social, a remarqué avoir souvent reçu des publicités visant des personnes homosexuelles et des invitations à des événements correspondants.
Ces publicités ne se fonderaient pas directement sur son orientation sexuelle, mais sur une analyse de ses centres d’intérêt. Estimant illicite le traitement alloué à ses données, cet activiste dans le domaine de la protection des données a intenté un recours auprès des juridictions autrichiennes. Par la suite, à l’occasion d’une table ronde, il a publiquement fait état de son homosexualité, mais n’en a rien publié sur son profil Facebook. Dans le cadre de ce litige, la Cour suprême autrichienne a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) à propos de l’interprétation du RGPD (Règlement 2016/679 du 27 avril 2016 - Règlement général sur la protection des données) sur ces problématiques. Dans ses conclusions rendues 25 avril 2024 (affaire C-446/21), l’avocat général Athanasios Rantos propose à la Cour de juger que le RGPD s’oppose à ce que des données personnelles puissent être traitées à des fins de publicité ciblée sans limitation dans le temps. La juridiction nationale doit pouvoir estimer, sur base notamment du principe de proportionnalité, dans quelle mesure la période de conservation et la quantité des données traitées sont justifiées par rapport à l’objectif légitime de traitement de ces données pour une publicité personnalisée. L'avocat général estime par ailleurs, sous réserve des vérifications factuelles incombant à la Cour suprême autrichienne, que le fait que l'internaute se soit exprimé en pleine conscience sur sa propre orientation sexuelle lors d’une table ronde ouverte au public peut constituer un acte par lequel il a "manifestement rendue publique" cette donnée au sens du RGPD. Il rappelle que si les données concernant l’orientation sexuelle entrent dans la catégorie des données particulièrement protégées qui font l’objet d’une interdiction de traitement, cette interdiction ne s’applique pas lorsque ces données sont manifestement rendues publiques par la personne concernée. Toutefois, une telle prise de position n’autorise pas, en soi, le traitement de ces données à des fins de publicité personnalisée.