Accéder au contenu principal

CEDH : article homophobe d'un haut dignitaire de l'Eglise orthodoxe de Grèce

La CEDH déclare irrecevable la requête d’un haut dignitaire de l’Eglise orthodoxe de Grèce qui invoquait une atteinte à sa liberté d'expression après sa condamnation pour un article contenant des propos haineux et incitant à la violence contre les homosexuels publié sur son blog personnel.Un métropolite (équivalent d’un évêque) de Kalávryta et d’Egialée au sein de l’Eglise orthodoxe de Grèce, M.

Lenis, a publié un article homophobe sur son blog personnel en décembre 2015, alors que le Parlement grec s’apprêtait à débattre d’un projet de loi introduisant une union civile pour les couples homosexuels. Invoquant l’article 10 de la Convention européenne des droits de l'Hommeeuropéenne des droits de l'Homme, le requérant se plaignait d’une atteinte à sa liberté d’expression à raison de la condamnation pénale dont il avait fait l’objet pour avoir publié l’article sur son blog personnel. Dans une décision Amvrosios-Athanasios Lenis c/ Grèce du 31 août 2023 (requête n° 47833/20), la Cour européenne des droits de l'Homme déclare, à la majorité, la requête irrecevable. Cette décision est définitive. La Cour constate que la plupart des propos de M. Lenis visaient les personnes homosexuelles en général. Elle considère que les juridictions nationales ont soigneusement examiné les éléments dont elles disposaient et qu’elles ont effectué une mise en balance dans le cadre de laquelle elles ont pris en compte le droit du requérant à la liberté d’expression. Elle conclut en outre qu’il n’y a pas eu d’atteinte au droit à la liberté d’expression tel qu’il est consacré par la Convention, car les opinions de l’intéressé étaient susceptibles de susciter de la discrimination et de la haine. Trois facteurs viennent conforter ces conclusions.Premièrement, M. Lenis, haut dignitaire de l’Eglise orthodoxe de Grèce, était en mesure d’influencer non seulement sa congrégation mais aussi un grand nombre des autres fidèles de sa religion, c’est-à-dire la majorité de la population grecque.Deuxièmement, il a diffusé ses propos sur Internet, ce qui a rendu son message aisément accessible.Troisièmement, ses commentaires visaient les personnes homosexuelles. Or la Cour a déjà jugé que les minorités de genre et les minorités sexuelles nécessitent une protection spéciale contre les discours de haine et les discours discriminatoires en raison de la marginalisation et de la victimisation qu’elles subissent encore. La Cour prend note également du faible taux d’acceptation de l’homosexualité ainsi que de la situation des personnes LGBTI dans le pays, tels qu’ils ont été décrits dans des rapports internationaux. Elle souligne que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est tout aussi grave que la discrimination fondée sur la race, l’origine ou la couleur. La Cour estime que M. Lenis tente de faire dévier l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention de sa finalité réelle en l’invoquant à des fins manifestement contraires aux valeurs que la Convention vise à promouvoir. Partant, conformément à l’article 17 (interdiction de l’abus de droit), la Cour juge la requête incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention et la rejette.