Diffusion sur un site internet suisse de propos incitant à la haine
Relaxe du prévu dont il n'est pas démontré qu'il a personnellement participé à la diffusion en France, sur un site internet édité à l’étranger, des propos incitant à la haine et destinés au public français.
Relaxe du prévu dont il n’est pas démontré qu’il a personnellement participé à la diffusion en France, sur un site internet édité à l’étranger, des propos incitant à la haine et destinés au public français.
A la suite de la mise en ligne sur le site internet d’une association de droit suisse, de deux textes intitulés « Pour éviter le génocide des Français, il faut expulser les musulmans » et « Attentat à la hache dans un train allemand : musulmans dehors », le procureur de la République a fait citer l’ancien directeur de la publication du site du chef de provocation à la haine raciale en raison de certains passages de ces deux textes, devant le tribunal correctionnel.Après avoir rejeté une exception d’incompétence tirée de l’absence de critères de rattachement des propos au territoire français, les juges du premier degré ont renvoyé le prévenu des fins de la poursuite. Le ministère public, ainsi que deux associations qui s’étaient constituées partie civile, ont relevé appel de cette décision.
La cour d’appel a confirmé le jugement.
Les juges du fond ont énoncé notamment qu’il est établi que l’association de droit français que le prévenu avait présidée, ayant d’ailleurs été condamné à ce titre en qualité de directeur de la publication du site litigieux, avait postérieurement transféré la publication dudit site à l’association éponyme suisse. Le président de cette dernière association a confirmé la date des publications et le nom de l’auteur, mais a refusé de fournir plus d’informations. Un précédent président de cette même association suisse avait confirmé à deux reprises lors d’enquêtes antérieures être, à ce titre, le directeur de publication du site concerné et a été condamné en cette qualité pour des propos qui y avaient été publiés.
Les juges du fond ont ajouté que l’adresse électronique de contact du site était une adresse secondaire de celle du prévenu, et que les prélèvements correspondants étaient effectués sur un compte au nom de celui-ci, qui était également titulaire du compte Paypal utilisé par le site. Si une perquisition avait permis de trouver chez le prévenu les mots de passe et codes d’accès au site, plusieurs autres personnes avaient attesté en disposer également pour publier leurs textes, les mettre à jour, les illustrer ou les corriger.
Ils en ont déduit qu’au moment des faits dont ils étaient saisis, il n’est nullement établi, avec la certitude nécessaire au prononcé d’une condamnation pénale, que le prévenu serait encore le directeur de publication ou le responsable, en droit ou en fait, de ce site, ni qu’il serait le dirigeant de droit ou de fait de l’association suisse qui édite le site depuis l’étranger, pas davantage que n’était démontrée sa participation personnelle à la gestion du site ni une quelconque participation à la mise en ligne ou à la rédaction des propos incriminés.
Dans un arrêt du 18 juin 2019, la Cour de cassation estime que c’est à tort que les juges ont cru devoir examiner si le prévenu était le directeur de la publication du site internet. En effet, de même que la responsabilité en cascade prévue par l’article 42 de la loi sur la liberté de la presse ne s’applique que lorsque le journal est imprimé et publié en France, la responsabilité en cascade prévue par l’article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle ne s’applique que lorsque le service de communication au public par voie électronique est fourni depuis la France.
L’arrêt n’encourt cependant pas la censure, dès lors qu’il n’est pas démontré que le prévenu a personnellement participé à la diffusion en France, sur un site internet édité à l’étranger, des propos litigieux, dont il n’est plus contesté qu’ils étaient destinés au public français.
– Cour de cassation, chambre criminelle, 18 juin 2019 (pourvoi n° 18-85.298 – ECLI:FR:CCASS:2019:CR01203), association Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et a. c/ M. Z. – rejet du pourvoi contre cour d’appel – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1203_18_42789.html
– Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, article 42 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1203_18_42789.html
– Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, article 93-3 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/1203_18_42789.html