CJUE : conditions de licéité du "sampling"
Si le sampling sans autorisation peut constituer une atteinte aux droits du producteur de phonogramme, l’utilisation sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme ne constitue pas une atteinte à ces droits, même en l’absence d’une telle autorisation.
Si le sampling sans autorisation peut constituer une atteinte aux droits du producteur de phonogramme, l’utilisation sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme ne constitue pas une atteinte à ces droits, même en l’absence d’une telle autorisation.
Dans le cadre d’un litige opposant deux groupes de musique allemands, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) si l’inclusion non autorisée, dans un phonogramme d’un échantillon sonore (sample) prélevé d’un autre phonogramme constitue, au regard du droit de l’Union, une atteinte aux droits du producteur du phonogramme dont l’échantillon en cause a ainsi été prélevé. La juridiction souhaitait également savoir si le « sampling » était susceptible de relever de l’ »exception de citation », qui dispense l’utilisateur de la nécessité d’obtenir l’autorisation du producteur de phonogrammes pour l’utilisation du phonogramme protégé en cause.
Dans son arrêt rendu le 29 juillet 2019, la CJUE rappelle tout d’abord que les producteurs de phonogrammes ont le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction en tout ou en partie de leurs phonogrammes. Par conséquent, la reproduction par un utilisateur d’un échantillon sonore, même très bref, prélevé d’un phonogramme constitue, en principe, une reproduction en partie de ce phonogramme, de sorte qu’une telle reproduction relève du droit exclusif conféré au producteur du phonogramme.
En revanche, selon la Cour, il ne s’agit pas d’une « reproduction » lorsqu’un utilisateur prélève un échantillon sonore sur un phonogramme afin de l’intégrer, sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute, dans un autre phonogramme.
La Cour ajoute que si un support reprenant la totalité ou une partie substantielle des sons fixés dans un phonogramme constitue une copie de ce dernier, pour laquelle le producteur du phonogramme bénéficie d’un droit exclusif de distribution, il n’en est pas de même lorsque le support se limite à incorporer des échantillons musicaux, le cas échéant, sous forme modifiée, en vue de créer une œuvre nouvelle et indépendante de ce dernier.
La CJUE indique que les exceptions et limitations aux droits des titulaires, prévues par le droit de l’Union, ont été déterminées de manière exhaustive afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur dans le domaine du droit d’auteur et des droits voisins. Ainsi, la législation allemande, qui, en dépit du caractère exhaustif de ces exceptions et limitations, prévoit une exception ou limitation non visée par le droit de l’Union permettant qu’une œuvre indépendante, créée en utilisant librement une œuvre protégée, puisse, en principe, être publiée et exploitée sans l’autorisation des titulaires de droits, n’est pas conforme au droit de l’Union.
S’agissant des exceptions et limitations aux droits exclusifs de reproduction et de communication des titulaires de droits que les Etats membres ont la faculté de prévoir en ce qui concerne les citations provenant d’une œuvre protégée, la Cour constate que l’utilisation d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme et permettant d’identifier l’œuvre dont cet échantillon a été extrait peut, sous certaines conditions, constituer une citation, pour autant, notamment, qu’une telle utilisation a pour objectif d’interagir avec l’œuvre en question. En revanche, ne constitue pas une telle citation l’utilisation de cet échantillon lorsqu’il n’est pas possible d’identifier l’œuvre en cause.
– Communiqué de presse n° 98/19 de la CJUE du 29 juillet 2019 – « Le sampling peut constituer une atteinte aux droits du producteur d’un phonogramme lorsqu’il est réalisé sans son autorisation » – https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2019-07/cp190098fr.pdf
– CJUE, grande chambre, 29 juillet 2019 (affaire C-476/17 – ECLI:EU:C:2019:624), Pelham GmbH, Moses Pelham, Martin Haas c/ Ralf Hütter, Florian Schneider-Esleben – https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2019-07/cp190098fr.pdf