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CEDH : mise en détention provisoire pour des publications critiquant le gouvernement turc

La CEDH a rendu une décision relative à une affaire dans laquelle un chanteur et chroniqueur avait été accusé d’actes de terrorisme et placé en détention provisoire en raison d’articles de presse et de tweets critiquant le gouvernement turc.M.

La CEDH a rendu une décision relative à une affaire dans laquelle un chanteur et chroniqueur avait été accusé d’actes de terrorisme et placé en détention provisoire en raison d’articles de presse et de tweets critiquant le gouvernement turc.M. T. était un chanteur et chroniqueur de nationalité turque. Il a été placé deux fois en détention provisoire en raison de poursuites pour des infractions liées au terrorisme. La première mise en détention provisoire se fondait sur des tweets critiquant le gouvernement de Turquie. La deuxième détention était quant à elle liée à la diffusion d’articles de presse. M. T. a introduit trois recours individuels devant la cour constitutionnelle turque, laquelle a partiellement fait droit à ses demandes.
M. T. a formé une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH). Il invoquait la violation de divers droits consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH). Etaient notamment concernés, le droit à la liberté et à la sûreté, protégé par l’article 5, paragraphe 1 de la CESDH, le droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 de la CESDH ainsi que les dispositions de l’article 5, paragraphe 4 de la CESDH en ce que M. T. n’avait pas eu un accès illimité aux éléments de preuve liés à sa mise en détention.
Par une décision du 19 janvier 2021 (requête n° 72/17), la CEDH a tout d’abord jugé qu’il y avait eu une violation de l’article 5, paragraphe 1 de la CESDH. S’agissant des décisions de mise en détention provisoire, la Cour a souligné qu’il n’existait aucun fait ou renseignement de nature à faire naître des soupçons justifiant une telle mesure. Elle a également reproché à la cour constitutionnelle turque de s’être fondée sur des éléments de preuve qui n’avaient pas motivé la décision initiale de placement. Concernant la légalité du maintien en détention provisoire, la Cour a précisé que la référence aux écrits de M. T. était trop générale et qu’elle ne visait aucun article ou tweet de manière isolée. Elle a ainsi constaté qu’il n’y avait aucun élément pouvant marquer un lien plausible entre les actes de l’intéressé et les infractions liées au terrorisme qui lui étaient reprochées. Elle a dès lors estimé que les accusations en cause étaient en réalité liées à l’exercice par M.T. de la liberté d’expression, de réunion et d’association. Par conséquent, la privation de liberté dont avait fait l’objet M. T. était, selon la Cour, irrégulière et arbitraire.
La CEDH a également décidé qu’il avait eu une violation de l’article 10 de la CESDH. Aux yeux de la Cour, bien que M. T. ait fait une critique sévère des politiques du gouvernement turc, le contenu de ses articles et de ses tweets ne pouvait pas convaincre un observateur objectif de la vraisemblance des accusations liées à des actes de terrorisme. En outre, les mises en détention provisoire ne relevaient pas de l’un des motifs énumérés à l’article 5, paragraphe 1 de la CESDH. La Cour a donc indiqué que les détentions en cause constituaient une ingérence non prévue par la loi dans le droit à la liberté d’expression de M. T.
Enfin, la CEDH a conclu à une non-violation de l’article 5, paragraphe 4 de la CESDH, considérant que l’absence de droit d’accès illimité aux éléments de preuve n’avait pas empêché M. T. d’avoir une connaissance suffisante de la teneur de ceux qui revêtaient une importance essentielle pour une contestation efficace de la légalité de sa détention provisoire.