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CJUE : enregistrement systématique d'adresses IP pour un recours en indemnisation

L’enregistrement systématique d’adresses IP d’utilisateurs et la communication de leurs noms et adresses postales au titulaire des droits intellectuels ou à un tiers afin de permettre d’introduire un recours en indemnisation sont admissibles sous certaines conditions.Dans un arrêt du 17 juin 2021 (affaire C‑597/19), la Cour de justice de l’Union européenne dit pour droit, premièrement, qu’un téléversement de segments d’un fichier média sur un réseau de pair-à-pair (peer-to-peer) constitue une mise à la disposition du public au sens du droit de l’Union (Article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001).

L’enregistrement systématique d’adresses IP d’utilisateurs et la communication de leurs noms et adresses postales au titulaire des droits intellectuels ou à un tiers afin de permettre d’introduire un recours en indemnisation sont admissibles sous certaines conditions.Dans un arrêt du 17 juin 2021 (affaire C‑597/19), la Cour de justice de l’Union européenne dit pour droit, premièrement, qu’un téléversement de segments d’un fichier média sur un réseau de pair-à-pair (peer-to-peer) constitue une mise à la disposition du public au sens du droit de l’Union (Article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001).
Deuxièmement, un titulaire de droits de propriété intellectuelle peut bénéficier du système de protection de ces droits, mais sa demande d’information, en particulier, doit être non abusive, justifiée et proportionnée (Articles 3, paragraphe 2, et 8 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004).
Troisièmement, l’enregistrement systématique d’adresses IP d’utilisateurs d’un tel réseau et la communication de leurs noms et adresses postales à ce titulaire ou à un tiers afin de permettre d’introduire un recours en indemnisation sont admissibles sous conditions déterminées (Article 6, paragraphe 1, premier alinéa, sous f), du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016).
Mise à la disposition du public par le téléversement de segments d’un fichier média sur un réseau peer-to-peer
En premier lieu, la Cour précise que le téléversement des segments, préalablement téléchargés, d’un fichier média contenant une œuvre protégée utilisant un réseau de pair-à-pair (peer-to-peer) constitue une « mise à la disposition du public d’une œuvre », bien que ces segments ne soient pas utilisables en eux-mêmes et que le téléversement soit automatiquement généré, lorsque l’utilisateur a souscrit au logiciel de partage client-BitTorrent en donnant son consentement à l’application de celui-ci après avoir été dûment informé de ses caractéristiques.
Il convient de préciser que tout utilisateur dudit réseau peut facilement reconstituer le fichier originaire à partir de segments disponibles sur les ordinateurs des autres utilisateurs.
Or, en téléchargeant les segments d’un fichier, il les met simultanément à disposition en vue d’être téléversés par d’autres utilisateurs. À cet égard, la Cour constate que l’utilisateur ne doit pas effectivement télécharger un seuil minimal de segments et que tout acte par lequel il donne, en pleine connaissance des conséquences de son comportement, accès à des œuvres protégées peut constituer un acte de mise à disposition. En l’occurrence, il s’agit bien d’un tel acte, parce qu’il vise un nombre indéterminé de destinataires potentiels, implique un nombre de personnes assez important et est effectué auprès d’un public nouveau.
Cette interprétation vise à maintenir le juste équilibre entre les intérêts et les droits fondamentaux des titulaires des droits de propriété intellectuelle, d’une part, et des utilisateurs d’objets protégés, d’autre part.
La demande d’information d’un titulaire des droits de propriété intellectuelle doit être non abusive, justifiée et proportionnée
En deuxième lieu, la Cour considère que le titulaire des droits de propriété intellectuelle qui a obtenu ces droits au moyen d’une cession de créances et qui ne les utilise pas, mais cherche à réclamer des dommages-intérêts à des contrevenants présumés, peut bénéficier, en principe, des mesures, des procédures et des réparations prévues par le droit de l’Union, à moins que sa demande ne soit abusive.
La Cour précise que l’éventuel constat d’un tel abus relève de l’appréciation de la juridiction de renvoi, qui pourrait, par exemple, vérifier, à cette fin, si les actions en justice ont été réellement introduites en cas de refus de solution amiable. S’agissant en particulier d’une demande d’information du titulaire des droits de propriété intellectuelle, la Cour constate qu’elle ne saurait être considérée comme irrecevable en raison du fait qu’elle est formulée dans une phase précontentieuse. Toutefois, cette demande doit être rejetée si elle est injustifiée ou non proportionnée, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Par cette interprétation, la Cour cherche à assurer un niveau de protection élevé de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur.
Enregistrement systématique d’adresses IP d’utilisateurs d’un réseau peer-to-peer et communication de leurs noms et adresses postales au titulaire de droits
En troisième lieu, la Cour juge que le droit de l’Union ne s’oppose, en principe, ni à l’enregistrement systématique, par le titulaire de droits de propriété intellectuelle ou par un tiers pour son compte, d’adresses IP d’utilisateurs de réseaux de pair-à-pair (peer-to-peer) dont les connexions Internet ont été prétendument utilisées dans des activités contrefaisantes (traitement des données en amont) ni à la communication des noms et des adresses postales des utilisateurs à ce titulaire ou à un tiers aux fins d’un recours en indemnisation (traitement des données en aval).
Toutefois, les initiatives et les demandes à cet égard doivent être justifiées, proportionnées, non abusives et prévues par une mesure législative nationale qui limite la portée des droits et des obligations relevant du droit de l’Union.La Cour précise que ce dernier n’établit pas l’obligation pour une société de communiquer à des personnes privées les données à caractère personnel afin de pouvoir engager, devant les juridictions civiles, des poursuites contre les atteintes au droit d’auteur. Le droit de l’Union permet cependant aux Etats membres d’imposer une telle obligation.