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Le droit de saisir la justice sans saisir le tribunal médiatique

L'identité d'un plaignant souhaitant rester anonyme ne peut être révélée dans la presse que si cette information contribue à nourrir le débat d'intérêt général.Le 19 mai 2018, le Journal du Dimanche a publié sur son site internet un article intitulé "[U] [S] visé par une plainte pour viol" comportant le sous-titre "Une liaison épisodique avec [U] [S]" relatant la plainte pour viol qu'une actrice belge avait déposée contre M.

[S] et illustré par une photographie les montrant côte à côte.Dénonçant une atteinte à l'intimité de sa vie privée et à son droit à l'image, l'actrice a assigné l'éditeur du journal en suppression de cet article et réparation de ses préjudices. La cour d'appel de Paris a rejeté ses demandes.Elle a retenu que l'article s'inscrivait dans un débat d'intérêt général majeur relatif aux comportements à connotation sexuelle et non consentis intervenant dans le cadre de relations professionnelles. Pour les juges du fond, loin de chercher à satisfaire la curiosité d'un certain lectorat, l'article visait à informer le public d'une nouvelle plainte relative à un viol commis dans le milieu du cinéma, impliquant un producteur mondialement connu, sur fond d'un chantage à l'emploi dans la perspective de la carrière. Il adoptait un ton particulièrement neutre, ayant soin d'employer le conditionnel et se conclut sur les interrogations du milieu du cinéma sur d'éventuelles plaintes susceptibles d'être déposées par d'autres actrices. Dans un arrêt rendu le 5 juin 2024 (pourvoi n° 23-12.525), la Cour de cassation rappelle que l'identité d'une plaignante souhaitant rester anonyme ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d'intérêt général.En l'espèce, en ne répondant pas aux conclusions de la plaignante qui soutenait qu'elle n'avait pas souhaité médiatiser l'affaire à la différence des victimes s'inscrivant dans les mouvements #balancetonporc et #metoo mais saisir la justice d'une plainte en conservant l'anonymat, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.