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La violation d'une licence de logiciel est-elle une contrefaçon ?

En cas de non-respect d'une clause de contrat de licence de logiciel, le titulaire de droits est-il recevable à agir contre son licencié sur le fondement de la contrefaçon ?A la suite d'un appel d'offres de l'Etat pour la réalisation du portail "Mon service public", la société Orange a fourni une solution informatique de gestion d'identités et des moyens d'interface à destination des fournisseurs de service (IDMP), au moyen d'une plateforme logicielle intégrant le logiciel Lasso, édité sous licence libre ou sous licence commerciale en contrepartie du paiement de redevances.Estimant que cette mise à disposition de son logiciel n'était pas conforme aux clauses de la licence libre et qu'elle constituait un acte de concurrence déloyale, l'éditeur, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon au siège de la société Orange, a assigné celle-ci en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme.

La cour d'appel de Paris n'a pas fait droit à sa demande. Elle a retenu que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ne mettait pas en cause le principe du non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et en a déduit que, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable. Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation le 5 octobre 2022 (pourvoi n° 21-15.386). La 1ère chambre civile rappelle que dans un arrêt du 18 décembre 2019 (affaire C-666/18), la CJUE avait dit pour droit que la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 et la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 devaient être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relevait de la notion d'"atteinte aux droits de propriété intellectuelle", au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire devait pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national. La Haute juridiction judiciaire ajoute que si, selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que les mesures d'instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. Il s'en déduit que, dans le cas d'une d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.  SUR LE MEME SUJET : CJUE : modification du code source d'un logiciel en violation d’un contrat de licence - Legalnews, 29 novembre 2019