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CEDH : perquisition injustifiée du domicile d'un journaliste

La CEDH condamne la Russie pour perquisition injustifiée du domicile d’un journaliste et saisie de ses appareils électroniques sans garanties procédurales protégeant la confidentialité des sources journalistiques.Le requérant, Sergueï Vladimirovitch Sorokine, journaliste et militant, publia en 2008 - sur le site Internet de son hebdomadaire, Zyryanskaya zhizn - un entretien avec un haut responsable de la police au sujet d’un scandale concernant un cas d'abus de pouvoir.

Une procédure pénale fut par la suite ouverte contre le policier pour divulgation de secrets d’Etat. Invoquant l’article 10 (liberté d’expression), le requérant allègue que le mandat de perquisition et de saisie était rédigé en des termes si larges que tous ses appareils électroniques ont été saisis, de même que des informations confidentielles sans lien aucun avec l’affaire pénale. Il se plaint également du contrôle juridictionnel ultérieur des mesures prises à son encontre, estimant à cet égard que les autorités n'ont pas mis en balance la nécessité de protéger les sources journalistiques et les besoins de l’enquête pénale. Dans un arrêt Sergey Sorokin c/ Russie du 30 août 2022 (requête n° 52808/09), la Cour européenne des droits de l'Homme dit qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention EDH. La Cour relève que la perquisition du domicile du requérant et la saisie de ses appareils électroniques ont constitué une ingérence dans l'exercice de son droit à la liberté d'expression. Mais cette ingérence poursuivait le but légitime de prévention de la criminalité, la perquisition et la saisie ayant été ordonnées dans le cadre d'une enquête pénale ouverte sur la prétendue divulgation d'informations étatiques. Toutefois, la perquisition a été effectuée en l'absence de garanties procédurales contre toute atteinte à la confidentialité des sources journalistiques du requérant. En autorisant le mandat de perquisition, le tribunal municipal n'a pas mis en balance les droits en jeu, c'est-à-dire savoir si l'intérêt de l'enquête à obtenir des preuves avait été suffisant pour l'emporter sur l'intérêt public général à la protection des sources journalistiques. La Cour suprême de la République des Komi avait limité son contrôle à l'examen de la régularité formelle de la perquisition au lieu d'apprécier la nécessité et la proportionnalité des actes des autorités d'enquête. Tout en autorisant les mesures de perquisition et de saisie, le tribunal municipal n'avait pas ordonné aux autorités chargées de l'enquête d'utiliser des procédures de filtrage ou de s'assurer que les informations personnelles et professionnelles non liées du requérant n'avaient pas été consultées par les autorités. Elle n'a pas non plus motivé précisément sa conclusion selon laquelle une recherche dans toutes les données du requérant était nécessaire pour l'enquête. Conformément au libellé du mandat, l'enquêteur avait saisi tous les appareils électroniques du requérant qui devaient contenir des informations sans rapport avec l'affaire pénale. Rien n'indique que l'intégralité de ces informations n'ait pas été consultée immédiatement par les autorités d'enquête en l'absence de toute procédure de filtrage ou d'autres méthodes susceptibles de protéger la confidentialité des sources journalistiques du requérant et d'autres informations sans rapport avec l'affaire pénale.