CEDH : la popstar polonaise blasphème
Est contraire à l'article 8 de la CEDH la condamnation d’une popstar pour blasphème en raison de propos laissant entendre que les auteurs de la Bible avaient écrit le texte sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants : ces propos ne s’analysent ni en un discours de haine, ni en une incitation à la haine ou à l’intolérance religieuse.Interrogée sur la religion dans le cadre d'une interview, Dorota Rabczewska , chanteuse polonaise célèbre dans son pays sous le nom de Doda, a indiqué qu'elle croyait en une "puissance supérieure" mais qu’elle était plus convaincue par les découvertes scientifiques et pas par les "histoires [bibliques] incroyables" écrites par "une personne défoncée au vin et à l’herbe".
A la suite d'une plainte introduite par des particuliers, le parquet a dressé un acte d’accusation à l'encontre de la chanteuse pour atteinte au sentiment religieux, infraction réprimée par l’article 196 du code pénal.Le tribunal de première instance de Varsovie lui a infligé une amende de 5.000 zlotys polonais (soit 1.160 € environ). Il a notamment retenu que les déclarations de l’intéressée qui laissaient entendre que les auteurs de la Bible avaient écrit le texte sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants étaient délibérément insultantes et méprisantes à l’égard des croyants. Tous les recours introduits par la requérante ayant échoué, celle-ci a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Dans un arrêt rendu le 15 septembre 2022 (requête n° 8257/13), la CEDH relève que si l’interview de la requérante renfermait des déclarations de nature à choquer ou inquiéter certaines personnes, pareilles opinions sont protégées par la Convention européenne des droits de l'Homme dès lors qu’elles n’incitent pas à la haine ou à l’intolérance religieuse. Or, nul n’a soulevé l’argument consistant à dire que les déclarations de l’intéressée s’analysaient en un discours de haine. Les juridictions internes n’ont pas identifié le fait que les déclarations litigieuses avaient pour objectif non pas d’alimenter un débat sérieux sur des questions religieuses, mais de répondre à des questions concernant la vie privée de l’intéressée sur un ton léger et dans un langage coloré destiné à éveiller l’intérêt des jeunes fans de la chanteuse. Ainsi, les juridictions internes n’ont justifié par des motifs suffisants ni leur décision de déclarer la requérante coupable des faits qui lui étaient reprochés, ni l’ingérence dans l’exercice par la requérante de son droit à la liberté d’expression. Partant, il y a eu violation de l’article 10 de la Convention EDH.