"Salafistes" : annulation de l'interdiction aux moins de 18 ans
Compte tenu de l'objet du documentaire et du traitement de la violence qu'il retient, et eu égard à la nécessité de garantir le respect de la liberté d'information, le Conseil d'Etat considère qu'il n'y a pas lieu d’assortir le visa du film documentaire "Salafistes" d’une interdiction aux moins de 18 ans.
Compte tenu de l’objet du documentaire et du traitement de la violence qu’il retient, et eu égard à la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a pas lieu d’assortir le visa du film documentaire « Salafistes » d’une interdiction aux moins de 18 ans.
Sorti en salles le 27 janvier 2016, le film documentaire intitulé « Salafistes » a reçu de la ministre de la Culture et de la Communication un visa d’exploitation au assorti d’une interdiction de représentation publique aux mineurs de 18 ans et de l’avertissement suivant : « Ce film contient des propos et des images extrêmement violents et intolérants susceptibles de heurter le public ». Une société de production et de distribution de films a saisi la justice administrative d’une demande d’annulation de cette décision.
Saisi en cassation, le Conseil d’Etat fait droit à sa demande.
Il rappelle au préalable que s’agissant des « films à caractère documentaire, qui visent à décrire la réalité des situations dont ils portent témoignage et qui ont ainsi pour objet de contribuer à l’établissement et à la diffusion de connaissances, l’appréciation doit être portée par le ministre, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, compte tenu de la nécessité de garantir le respect de la liberté d’information ».
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le documentaire en cause « comporte des scènes violentes montrant de nombreuses exactions, assassinats, tortures, amputations, réellement commises par des groupes se revendiquant notamment des organisations Daech et Al-Qaïda au Maghreb islamique et présente, en parallèle, les propos de plusieurs protagonistes légitimant les actions en cause, menées contre des populations civiles, sans qu’aucun commentaire critique n’accompagne les scènes de violence ». Il estime toutefois que « ces scènes s’insèrent de manière cohérente dans le propos du film, « dont l’objet est d’informer le public sur la réalité de la violence salafiste en confrontant les discours tenus par des personnes promouvant cette idéologie aux actes de violence commis par des personnes et groupes s’en réclamant. »
En outre, tant l’avertissement figurant en début de film que la dédicace finale du documentaire aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 sont de nature à faire comprendre, y compris par des spectateurs âgés de moins de 18 ans, l’objectif d’information et de dénonciation poursuivi par l’oeuvre documentaire, qui concourt ainsi à l’établissement et à la diffusion de connaissances sans présenter la violence sous un jour favorable ni la banaliser.
– Conseil d’Etat, 5 avril 2019 (requête n° 417343 – ECLI:FR:CEORD:2019:417343.20190405), société Margo Cinéma c/ ministre de la Culture – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000038351105&fastReqId=6052341&fastPos=1