La révélation de l'homosexualité d'un homme politique ne porte pas nécessairement atteinte ...
La révélation de l'homosexualité d'un homme politique était justifiée par le droit à l’information légitime du public, au regard des interrogations de l’auteur sur l’évolution de la doctrine du parti politique concerné, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et de l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants.
La révélation de l’homosexualité d’un homme politique était justifiée par le droit à l’information légitime du public, au regard des interrogations de l’auteur sur l’évolution de la doctrine du parti politique concerné, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et de l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants.
Invoquant l’atteinte portée à sa vie privée du fait de la révélation de son homosexualité dans l’ouvrage intitulé « Le Front national des villes et le Front national des champs », un homme politique, alors secrétaire général du Front national (FN), a assigné l’auteur aux fins d’obtenir réparation du préjudice en résultant.
La cour d’appel de Paris a accueilli sa demande le 31 mai 2017.Les juges du fond ont relevé que l’auteur de l’ouvrage litigieux s’interrogeait sur les motifs de l’évolution du FN, s’agissant, notamment, de son positionnement dans le débat relatif au mariage des personnes de même sexe et, plus généralement, de la lutte contre l’homophobie. Ils ont énoncé que, pour illustrer sa démonstration, l’auteur ne pouvait choisir de révéler l’orientation sexuelle de l’intéressé en partant du principe, pour le moins sommaire, que celui-ci avait participé, du fait de son appartenance à la communauté homosexuelle, à la prise de position du parti relative au projet de loi sur le mariage pour tous. Ils en ont déduit que cette révélation n’était pas justifiée par le droit à l’information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l’atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée.
Dans un arrêt rendu le 11 juillet 2018, la Cour de cassation censure ce raisonnement.
Elle rappelle tout d’abord que le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression revêtent une même valeur normative et qu’il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet de cette publication, le comportement antérieur de la personne concernée, ainsi que le contenu, la forme et les répercussions de la publication.
Il résulte ainsi de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) que se rapportent à un débat d’intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité. Tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé. Si toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée, le fait d’exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l’attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l’impact qu’ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l’intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance.
Dès lors, en l’espèce, la cour d’appel a violé les articles 8 et 10 de la Convention EDH, et 9 du code civil en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, d’une part, les interrogations de l’auteur sur l’évolution de la doctrine d’un parti politique, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants, relevaient d’un débat d’intérêt général, et d’autre part, le demandeur était devenu un membre influent de ce parti dans la région Nord-Pas-de-Calais.
– Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 juillet 2018 (pourvoi n° 17-22.381 – ECLI:FR:CCASS:2018:C100736) – cassation de cour d’appel de Paris, 31 mai 2017 (renvoi devant la cour d’appel de Versailles) – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2018_8490/juillet_8879/736_11_39867.html
– Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales telle qu’amendée par les Protocoles n° 11 et n° 14 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2018_8490/juillet_8879/736_11_39867.html
– Code civil, article 9 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2018_8490/juillet_8879/736_11_39867.html